Cass. 3e civ., 9 oct. 2012, n° 11-23869
Si l’adage emptor debet esse curiosus (l’acheteur se doit d’être curieux) semble aujourd’hui dépassé, la jurisprudence continue à tempérer le droit de savoir par un devoir de vigilance. C’est précisément ce que rappelle la Cour de cassation dans son arrêt en date du 9 octobre 2012[1].
En l’espèce, un couple a acquis un tènement immobilier. Les acquéreurs demandent la nullité de la vente et des dommages-intérêts pour réticence dolosive, car ils n'auraient pas été avertis par les vendeurs des tirs de mines en provenance de la carrière exploitée à proximité. Ils sont déboutés par les juges du fond et leur pourvoi est rejeté par la Cour de cassation aux motifs que la cour d'appel, ayant « souverainement retenu que les acheteurs pouvaient avoir connaissance des faits par eux-mêmes et que la présence de la carrière en activité à une distance de 700 mètres environ du bien et les tirs de mines que son exploitation nécessitait ne pouvaient échapper à des acquéreurs normalement vigilants, a pu, par ces seuls motifs, en déduire que les vendeurs n'étaient pas tenus d'une obligation particulière d'information sur ce point et qu'aucune réticence dolosive ne pouvait leur être reprochée ». Dès lors que l'information pouvait être raisonnablement obtenue par l'acquéreur, aucune « obligation particulière d'information » ne pesait sur le vendeur[2]. Même si le vendeur avait une information à sa disposition, cela n'est pas sanctionné lorsque l'acquéreur pouvait accéder à l'information par des moyens raisonnables. En revanche, s'il avait été établi que le vendeur avait retenu cette information dans l'intention de tromper, alors le manque de vigilance de l'acheteur aurait été excusé[3].
La Cour de cassation a posé deux limites au devoir de vigilance de l’acquéreur : elle a jugé, d’une part, qu’il ne peut lui être imposé de procéder ou faire procéder à des investigations pour pallier l’absence d’information du vendeur ([4]) et, d’autre part, qu’une réticence dolosive, à la supposer établie, « rend toujours excusable l’erreur provoquée » ([5]).
Toute la subtilité de cette limite repose sur l’établissement de la réticence dolosive. Or, l’arrêt ci-dessus rapporté intéresse en ce qu’il précise que le vendeur n’est pas tenu d’une obligation d’information lorsque le fait litigieux ne peut échapper à la vigilance de l’acquéreur. En d’autres termes, l’obligation de vigilance évince la réticence dolosive et par la-même l’erreur inexcusable.
Ainsi, toute la difficulté de la matière est de situer le curseur entre l’obligation d’information du vendeur et le devoir de vigilance de l’acquéreur[6].
Source :
M. Bellamallem, La réticence dolosive à l’égard de l’acquéreur vigilant, Note sous cass. 3eme civ, 9 octobre 2012, RJCC.fr, Janvier 2013, sous n° 16.
ou
M. Bellamallem, La réticence dolosive à l’égard de l’acquéreur vigilant, Note sous cass. 3eme civ, 9 octobre 2012, RJCiv.fr, Janvier 2013, sous n° 16.
[1] - Civ. 3e, 9 oct. 2012, n° 11 -23 869, Alexandre c/ Truche, LEDIU, 1er déc. 2012, n° 11, p. 2, obs. C. Siffrein-Blanc. Cass. 3e civ., 9 oct. 2012, n° 11-23869, D. 2013. 391, obs. S. Amrani-Mekki et M. Mekki.
[2] (-(comp. : Cass., ass. plén., 27 oct. 2006, n° 05-18.977, Bull. ass. plén., n° 13 ; D. 2006. 2812, obs. I. Gallmeister ; RDI 2007. 256, obs. F. G. Trébulle : il n'est pas possible d'imposer à l'acheteur de procéder ou faire procéder à des investigations pour pallier l'absence d'information du vendeur)
[3] - S. Amrani-Mekki et M. Mekki, Le dol : Obligation de se renseigner, réticence dolosive, erreur excusable : quelle conciliation ? obs. sous Cass. 3e civ., 9 oct. 2012, n° 11-23869, D. 2013. 391
[4] - V. notamment Cass. ass. plén., 27 oct. 2006, n° 05-18977 : Bull. civ. ass. plén., no 13 ; Defrénois 2007, p. 431, n° 38561, note Y. Dagorne-Labbe
[5] - Cass. 3e civ., 21 févr. 2001, n° 98-20817 : Bull. civ. III, no 20 ; Defrénois 2001, p. 703, n° 37365, n° 40, obs. R. Libchaber
[6] - , Pas de réticence dolosive en l'absence de vigilance de l'acheteur, L'ESSENTIEL Droit de l'immobilier et urbanisme - 01/12/2012, n°11 - page 2
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