268-1: Chambre sociale du 28 mai 2003 , L'entreprise et le bermuda

L'arrêt de la Chambre sociale du 28 mai 2003 

 LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X..., embauché le 1er octobre 2000 en qualité d'agent technique des méthodes par la société Sagem, a été licencié le 22 juin 2001 après être venu, le 21 mai 2001, travailler en bermuda et continué les jours suivants à porter la même tenue vestimentaire ce, en opposition ouverte avec ses supérieurs hiérarchiques qui lui demandaient oralement puis par écrit de porter un pantalon sous la blouse prescrite par le règlement intérieur de l'entreprise ; que le salarié a saisi le 4 juillet 2001 la formation de référé du conseil de prud'hommes, demandant, sur le fondement des articles L. 122-45 et L. 120-2 du Code du travail, l'annulation de son licenciement et sa réintégration sous astreinte ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Rouen, 13 novembre 2001) d'avoir débouté M. X... de sa demande tendant à ce que soit ordonnée la poursuite de son contrat de travail avec la Sagem, alors, selon le moyen :
1 / que la liberté de se vêtir à sa guise et la liberté d'expression revendiquée par M. X... à l'occasion de sa contestation de l'obligation qui lui était faite de porter un pantalon dans l'exercice de ses fonctions d'agent technique des méthodes relèvent incontestablement des droits de la personne et des libertés individuelles et collectives visées par l'article L. 120-2 du code du travail ;
2 / qu'en excluant ces libertés de la catégorie des libertés fondamentales au motif qu'elles n'entrent pas dans l'énumération des cas de différenciation illicite proscrits par les dispositions de l'article L. 122-45 du Code du travail, la cour d'appel a procédé par voie de simple affirmation et ainsi privé sa décision de toute base légale au regard des dispositions de l'article L. 120-2 du Code du travail ;
Mais attendu que si, en vertu de l'article L. 120-2 du Code du travail, un employeur ne peut imposer à un salarié des contraintes vestimentaires qui ne seraient pas justifiées par la nature des taches à accomplir et proportionnées au but recherché, la liberté de se vêtir à sa guise au temps et au lieu du travail n'entre pas dans la catégorie des libertés fondamentales ;
Et attendu que les énonciations tant du jugement du conseil de prud'hommes que de l'arrêt confirmatif attaqué font apparaître que la tenue vestimentaire de M. X... était incompatible avec ses fonctions et ses conditions de travail de sorte que la cour d'appel a pu en déduire qu'il n'y avait pas de trouble manifestement illicite qu'il y avait lieu de faire cesser ; qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
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Dans l'arrêt de la Chambre sociale du 28 mai 2003 (1), un salarié, technicien à la société Sagem de Rouen, se rend à son travail en bermuda en raison de la chaleur excessive régnant dans son bureau. L'employeur, invoquant le risque d'une atteinte à l'image de l'entreprise auprès des clients, exige du salarié un changement de tenue vestimentaire, puis, devant la persistance de son refus les jours suivants, le licencie. Le salarié demande alors en référé sa réintégration. Le Conseil de prud'hommes de Rouen (2) puis la Cour d'appel de Rouen (3) refusent de faire droit à cette demande. Ils considèrent qu'en l'absence de toute discrimination le salarié ne pouvait invoquer le bénéfice d'une liberté fondamentale justifiant la possibilité d'ordonner en référé la poursuite du contrat de travail.
Le pourvoi faisait valoir qu'en excluant la liberté vestimentaire de la catégorie des droits fondamentaux au seul motif qu'elle n'est pas protégée par l'art. L. 122-45 c. trav., la cour d'appel privait sa décision de base légale au regard de l'art. L. 120-2 c. trav. En d'autres termes, l'absence de toute protection de cette liberté contre les discriminations n'empêche pas sa protection en tant que liberté individuelle des salariés.
La liberté vestimentaire au travail constitue-t-elle une liberté fondamentale justifiant, lorsqu'elle est méconnue, le prononcé en référé de la poursuite du contrat de travail ? La Cour de cassation indique d'abord que cette liberté n'est pas une liberté fondamentale. Elle estime par ailleurs que la limitation de la liberté vestimentaire des salariés n'était pas injustifiée en l'espèce, ce qui conduit à exclure la qualification de trouble manifestement illicite.
Face à la revendication croissante de protection des droits et libertés fondamentaux dans l'entreprise, la Cour de cassation rend ici une décision habile et rédigée en termes inhabituels. Elle précise la place de la liberté vestimentaire au travail dans l'ordre juridique (I) et, par voie de conséquence, celle de la réintégration dans les cas d'atteinte aux droits et libertés (II).


Par 
Frédéric Guiomard, L'entreprise et le bermuda (à propos d'un arrêt un peu « short »), Recueil Dalloz 2003 p. 2718
 


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